Elisabeth Degryse, tête de liste pour les Engagés à Bruxelles : “Notre système de soins est à un tournant majeur”
Tête de liste pour Les Engagés à Bruxelles, Elisabeth Degryse appelle à un grand plan pour sauver notre système de soins.
- Publié le 27-04-2024 à 09h24
Reprendre le flambeau de la santé et de ses nombreuses luttes incarnées par Catherine Fonck au sein des Engagés n’est pas une mince affaire. Mais Elisabeth Degryse, désignée tête de liste à Bruxelles, ne compte pas y arriver seule. En rejoignant le mouvement de Maxime Prévot qui se revendique comme le parti de la santé et du bien-être, cette Bruxelloise aux 12 ans d’expérience à la Mutualité Chrétienne nous fait part de ses combats prioritaires en matière d’accès aux soins.
Catherine Fonck a incarné de nombreuses luttes en matière de santé publique au sein des Engagés. Est-ce que vous vous considérez comme son héritière ?
"Passer après Catherine Fonck est un sacré boulot et une grande responsabilité parce que c’est une magnifique parlementaire qui a extrêmement bien travaillé pendant des années et je pense qu’on est plusieurs à prendre le relais, c’est ça qui est intéressant. C’est pour ça que je ne me définis pas comme étant son héritière. Toutefois, il y a des combats forts qu’elle a menés et que je continuerai à mener aussi".
Dans ses combats, elle a souvent montré une connaissance aiguisée de la réalité du terrain et n’a jamais hésité à se montrer pugnace avec les responsables politiques. Vous sentez-vous proche de ce style politique ?
"Cela me plairait bien de fonctionner de la même manière, je pense que la force d’un politique, c’est quand il est en contact avec le terrain, c’est de pouvoir les relayer. Et je pense que c’est notre rôle aussi de les faire rentrer ici, à la Chambre, dans le cadre d’auditions".
Le mouvement de Maxime Prévot se revendique comme le parti de la santé et du bien-être. Dans cette optique, quelle sera votre priorité ?
"De manière plus large, je pense que la priorité des priorités, c’est la santé dans toutes les politiques. C’est vraiment mesurer que l’ensemble des décisions qu’on prend dans d’autres politiques ont un impact sur la santé, que ce soit en matière de mobilité, en matière de logement, en matière d’environnement, de qualité de l’air, etc".
Avez-vous un exemple concret ?
"Lors des précédents gouvernements, on a mis fin à une série de crédits temps et à une série de conditions pour accéder plus facilement à la prépension en durcissant les conditions d’accès. C’est selon nous une des raisons qui explique le nombre de personnes en capacité de travailler aujourd’hui. Parce que l’effet sur le long terme de ne pas faciliter les fins de carrière, c’est de la fatigue, c’est de l’usure, ce sont des maladies musculo squelettiques et c’est aussi des questions de santé mentale quand l’équilibre vie privée vie professionnelle est surchargé".
Pour y arriver, la prévention semble primordiale. Or, en Belgique, elle reste le parent pauvre du budget des soins de santé.
"Notre deuxième priorité dans les soins, c’est justement d’augmenter la prévention car je pense qu’aujourd’hui, on est à un moment où on doit accepter de shifter vers un système de soins beaucoup plus préventif. Et donc cela commence par doubler les budgets en matière de prévention. Et puis la difficulté de notre pays, c’est le fait que la santé a été régionalisée, ce qui complique les choses. Nous sommes donc favorables à l’idée de refédéraliser les soins pour redonner de la cohérence au système".
Après la crise sanitaire et la crise de l’énergie, notre système de soins a été mis à rude épreuve. Face au vieillissement de la population, peut-il tenir ?
"Notre système de soins est à un tournant. La crise du covid a mis en lumière certaines failles de ce système de soins, dont tout le monde dit qu’il est tellement parfait. Et oui, nous avons un très bon système, on ne peut pas le nier. Mais nous avons vu ces limites, notamment au niveau du financement des hôpitaux. Durant le covid, on s’est rendu compte que le système à l’acte ne fonctionnait plus. On est aussi à un tournant parce qu’on se rend compte que le système de régulation qu’on a mis en place dans les années 90 au départ des quotas a explosé, cela ne marche plus parce qu’on a des pénuries importantes. Et le risque de pénurie, c’est que les médecins se mettent à travailler beaucoup plus à leur compte que dans des structures comme des hôpitaux ou des pratiques communes pour pouvoir faire ce qu’ils veulent en termes de tarifs par exemple. On est là face à une médecine à deux vitesses qui se crée, ce qui n’est pas sans risque".
D’après de nombreuses études, la pénurie de médecins généralistes va s’aggraver dans les années à venir. Comment faire pour lutter contre ce phénomène ?
"Nous pensons qu’il y a urgence sur le fait de dire qu’il faut supprimer les quotas Inami. Dans une dizaine d’années, nous allons perdre près de 2000 médecins, ce sont des chiffres gigantesques avec une nouvelle manière de travailler et les questions du rapport au temps. On risque d’être trop court, il faut donc arrêter ce système de quotas pour répondre aux besoins croissants dans les années à venir".
Applaudis durant la crise du covid-19, les soignants vivent également aujourd’hui avec un sentiment de manque de reconnaissance.
"La réforme du ministre Vandenbroucke n’est pas une mauvaise réforme pour les hôpitaux, mais c’est une réforme qui répond aux problèmes qu’on connaît aujourd’hui, ça ne donne pas une perspective à moyen et long terme d’une vision partagée en matière de santé, et c’est dommage, c’est une occasion ratée. Il y a des moyens qui ont été injectés pour le personnel, par exemple le Fonds blouse blanche, mais à côté de ça, il n’y a pas un grand plan d’attractivité et de revalorisation des métiers qui a été pensé et qui a été appliqué. Or, ça fait deux ans maintenant qu’on parle de la pénurie du personnel en matière de soins de santé".