À la découverte des secrets des chants des oiseaux de nos jardins avec un naturaliste
Les oiseaux nous l’annoncent en concert, le retour des beaux jours ! Mais pourquoi chantent-ils dès l’aurore ? Un naturaliste nous explique.
- Publié le 28-04-2024 à 08h56
Interview: Alain Paquet, guide nature chez Natagora.
Pour quelles raisons le chant des oiseaux se fait-il si intense de ces jours ?
Ce phénomène porte le nom du "chœur de l’aube" et est l’expression de la constitution des couples. Dès les mois de mars et avril, la saison de reproduction des oiseaux bat son plein. Et comme les réserves de nourriture, insectes et graines principalement, n’en sont pas encore à leur maximum, les mâles réservent leur territoire férocement et assidûment pour la reproduction, la nidification et le garde-manger. Ils chantent donc pour préserver leur espace, repousser les mâles voisins, et pour attirer les femelles.
Ce sont donc les mâles le plus volubiles. Les femelles chantent-elles aussi ?
Seuls les mâles chantent, à quelques exceptions. Les femelles répondent avec tout un vocabulaire de cris sociaux.
Observe-t-on des "plages horaires" pour chaque espèce ?
Oui. C’est le merle qui entame en premier ce concert, dans le noir, avant même le lever du jour. Il se calme ensuite à l’arrivée du soleil. Le rouge-queue noir et le rouge-gorge le suivent à l’aube. Puis tous les autres emboîtent le chant. D’autres attendent que la chaleur monte, comme les fauvettes. En réalité, les plages se chevauchent, formant une véritable soupe sonore.
L’après-midi, ils se nourrissent. Et en fin de journée, un regain de chant pour de nombreuses espèces se fait entendre.
Qu’est-ce qui peut favoriser le chant ?
Une belle météo ! Comme nous, les oiseaux apprécient le beau temps. La pluie, le vent, la grisaille, ils n’aiment pas ! Et en milieu urbain, ils chantent beaucoup plus tôt, avec la présence de lampadaires.
Le réchauffement climatique impacte-t-il ce phénomène ?
Oui. La période de chant avance depuis une trentaine d’années, notamment avec l’éclosion des insectes qui arrive en avance, avançant également la période de reproduction, et donc du chant. On compte 5 à 10 jours d’avance. J’ai été étonné d’entendre des coucous début avril cette année.
C’est surtout problématique pour les oiseaux migrateurs, qui avancent leur date de retour, mais moins vite que l’effet du réchauffement climatique. Ils arrivent donc en retard sur l’éclosion des insectes, ce qui les désavantage sur les oiseaux sédentaires…
Quel est l’apogée du "chœur de l’aube" ?
Il culmine vers le 1er mai. Car c’est la période où les oiseaux migrateurs ont tous rejoint les passereaux sédentaires. La vague des fauvettes, des pouillots, des coucous, des hirondelles ajoute une couche de chants à l’opéra !
C’est aussi le moment d’éclosion des fleurs et des feuilles, donnant le spectacle le plus magique de l’année pour un naturaliste.
En juin, certaines espèces rechantent fort, comme la mésange, espérant trouver une seconde femelle pour une autre nichée.
Et fin juin, les chants vont s’éteindre quand les petits auront été élevés, et qu’il n’y aura plus d’enjeux pour se nourrir. Les stocks d’insectes et de graines seront au maximum en été. Plus la peine de défendre bec et ongles une zone. Alors, les forêts et prairies redeviendront silencieuses en juillet.
Découvertes ce 1er mai
Ce mercredi 1er mai, pas de grasse matinée pour les mélomanes curieux des chants d’oiseaux ! C’est l'"Aube des oiseaux". Aux premières lueurs du matin, des dizaines de guides nature fixent rendez-vous pour partir à la rencontre de petits chanteurs à plumes, sur une trentaine de sites en Wallonie et à Bruxelles.
Comme un musicologue faisant entendre un instrument particulier dans un orchestre, les guides passionnés aident à identifier chaque trille de chaque espèce. De nombreuses balades sont précédées d’exposés ou de conférences sur diverses thématiques. Comme à Gouy-lez-Piéton, où le guide Alain Paquet présente les oiseaux des plaines agricoles et leur déclin, rappelant l’alerte du Printemps silencieux (1962) de Rachel Carson, l’un des premiers ouvrages écologiques décriant les dégâts des pesticides.
Et le guide de nous rappeler le plaisir à observer les volatiles. "C’est un ensemble d’êtres vivants extrêmement accessibles. On est peut-être plus proches des mammifères. Mais on ne les voit pas ! Par contre, quand on regarde au jardin, les oiseaux se laissent voir partout et sont bruyants ! Ils sont diurnes comme nous, utilisent les mêmes canaux sensoriels que nous: l’œil et l’oreille, et peu d’odorat… Nous sommes plus proches d’eux qu’on l’imagine." L’événement se tient une fois tous les trois ans. S’équiper d’une paire de jumelles. Inscription parfois requise.
Programme: www.natagora.be/aube